chronique de juillet 2004

La technologie cachée dans les objets

 

L'ordinateur en forme de téléviseur sur un boîtier a vécu. Les écrans s'aplatissent, le processeur vient se loger dans un dôme, le Wi Fi se généralise… À terme, la technologie va fondre le décor. Les fonctions d'un ordinateur seront accessibles à tout moment mais il sera invisible en tant qu'appareil. Sur simple demande, un écran pourra s'afficher sur la surface adéquate : mur, table de travail, calepin électronique… Il devrait s'ensuivre deux évolutions majeures : une redéfinition de la décoration intérieure et l'apparition d'objets "classiques" revisités par la technologie.

Lorsque l'on visite certaines expositions dédiées à la maison du futur, ce qui frappe n'est pas tant l'aspect futuriste que l'espace retrouvé. Quel a été le fait majeur des intérieurs après 1950 : le regroupement de la famille autour de certains objets de loisirs, tels que le téléviseur/magnétoscope et la chaîne Hi Fi, avec les meubles de rangements des CD, cassettes vidéo et DVD, console de jeu, ordinateur. Or, les fonctions de ces divers appareils vont fusionner et la consommation de musique comme de films se dirige vers un modèle indépendant d'un support physique. À terme, l'ensemble va s'effacer pour s'immiscer dans le mur. Il va s'ensuivre un décor allégé. Tout un espace est regagné : imaginez l'aspect de la pièce dans laquelle vous recevez vos amis dépourvue de téléviseur, magnétoscope, platine CD, tuner radio, ampli, sans oublier les meubles et les enchevêtrements de fils qui vont avec…. Ne subsistent que les incontournables : table, chaises, sofa, bibliothèque de livres, peut-être un piano. Comme l'essentiel de la technologie s'est effacé, l'environnement n'est pas sans rappeler celui d'un intérieur de la fin du 19ème siècle. La morale de cette histoire est la suivante : seuls les objets indispensables vont conserver droit de cité. Ce qui a trait à la transmission de l'information, qu'elle soit visuelle ou auditive va se miniaturiser ou dématérialiser.

La nouvelle tendance consiste à intégrer de la technologie dans des objets courants. Des sociétés telles que Ambient Devices ou Violet commencent à en commercialiser : une lampe peut changer de couleur en fonction des prévisions météo, une lumière va clignoter si un E-mail important est arrivé, etc. Une certaine "intelligence" et une connexion Internet va être logée dans des ustensiles usuels.

Il devrait s'ensuivre l'apparition d'une nouvelle forme de supports de lecture interactifs. Certes, l'un des objets qui a superbement survécu à l'invasion du numérique est le livre. Il n'a fait qu'une bouchée du CD-ROM, prouvant que sa forme d'un objet de papier dont on tourne les pages était tout de même la plus pratique. Au niveau du roman, on voit mal ce qui pourrait détrôner cette forme classique, si maniable, si transportable d'autant que les livres de poches sont particulièrement accessibles au niveau du prix.

Mais partout où l'information est susceptible d'évoluer (catalogue, quotidien d'information), un livre interactif mis à jour par le Wi Fi semble la solution. Ainsi, les encyclopédies sur CD-ROM ou DVD-ROM ont largement prouvé leur supériorité sur leurs équivalents papiers avec l'apport du multimédia (extraits de films, animations didactiques, etc.). Pourtant, elles sont loin d'être idéales car il s'écoule un temps non négligeable entre le moment où l'on insère ce support dans l'iMac et celui où l'on trouve la donnée désirée. De plus, elles obligent à lire de telles informations devant un ordinateur, ce qui limite l'usage. Un objet composé de pages que l'on tourne, consultable n'importe où, serait plus adéquat — les pages étant reliées à Internet et interactives. Ce serait un bel objet que l'on pourra ranger dans une bibliothèque aux côtés d'ouvrages reliés. Et l'on peut s'attendre à voir d'autres objets usuels métamorphoser leur fonction tout en conservant leur aspect traditionnel : le piano pourra muter en professeur, le réfrigérateur repérera les articles au meilleur prix, etc. Le même aspect, mais des fonctions revisités !

Daniel Ichbiah