Chronique SVM Mac – octobre 2004

Le téléchargement musical a le dos large…

 

Dans la lettre que la Sacem a adressé à ses membres à ses membres, nous pouvons lire sur la première page une diatribe de son président Laurent Petitgirard, à l’égard du « peer to peer ». L’intéressé dresse un tableau accablant de l’industrie du disque et pousse la complainte sur les créateurs qui voient ainsi disparaître « une grande partie de la rémunération de leur travail. » Petitgirard veut y voir une relation de cause à effet dans « l’effondrement du nombre de nouveaux contrats signés à des interprètes, restreignant ainsi pour les auteurs les opportunités de voir leurs œuvres exploitées » (rappelons que la Sacem collecte les droits relatifs à la musique et les reverse à ces fameux auteurs). Petitgirard appelle à des mesures de salut public pour enrayer le désastre…

Pas de surprise dans un tel discours alarmiste. Depuis près d’un an, le milieu musical se gargarise de cette supposée « crise du disque ». Pourtant, dans la lettre de la Sacem, un étonnant concours de circonstance amène à prendre du recul sur les propos de son président. En page 4 du même bulletin, figurent les résultats de l’exercice 2003 de la même Sacem. Qu’y découvrons-nous ? Qu’au total, le montant des droits encaissés a progressé de 5,4 % !

Hmm… Voilà qui amènerait l’inspecteur Columbo à proférer des « attendez une petite minute… » et à tirer les ficelles. Observons dans le détail l’origine des droits perçus par la Sacem. Nous découvrons certes que les perceptions issues des ventes de CD ont connu une baisse de 2,8 %. Mais dans le même temps, certains secteurs ont connu des hausses spectaculaires. Les ventes de DVD musicaux connaissent une progression de 45 % ! Par ailleurs, un nouveau marché s’est ouvert, celui des sonneries musicales pour téléphones mobiles qui a généré 2,7 millons d’euros (+ 115,8 %).

Quelle analyse peut-on en tirer ? Que le CD attire paraît moins attractif que par le passé et que d’autres supports tels que le DVD musical semblent aujourd’hui plus séduisants. Au delà du simple « peer-to-peer », se pourrait-il aussi que le public sanctionne l’effarante frilosité d’une industrie du disque qui préfère l’argent facile issu d’émissions à la Star Academy au développement passionné de créateurs authentiques ?

Il s’avère que le public est toujours prêt à acheter des disques d’artistes de talent. Un exemple ? Norah Jones a battu des records de vente entre 2003 et 2004. Elle a vendu plus de 20 millions d’albums et les gens de l’industrie du disque ont été les premiers à n’y rien comprendre, embourbés à produire des ersatz de Britney Spears en quantité industrielle. En France, des chanteurs à texte tels que Sanseverino ou Benabar ont pareillement effectué des ventes immenses à contre-courant des modes. Rappelons par ailleurs que durant une décennie entière, l’industrie du disque a tiré d’extraordinaires profits d’oisifs en recyclant les vinyles en CD. Désolé les gars, il faut produire de nouveaux talents, c’est un métier. En attendant une telle mutation, la baisse de vente des CD — phénomène isolé — sert de prétexte à une industrie globalement florissante pour justifier ses plans de restructuration et les mauvais résultats isolés de certains.

Un mot sur la « musique gratuite » tant vilipendée. Elle ne date pas d’aujourd’hui. Lorsque l’on prend la voiture et que l’on allume la radio, doit-on débourser un maigre centime pour entendre ce flot interrompu de chansons ? Pas le moins du monde et qui plus est, les artistes trouvent là un vecteur de promotion sans comparaison pour leurs œuvres. Certaines enquêtes — certes controversées — prétendent qu’Internet aurait le même effet.

Idéalement, les fournisseurs d’accès — les premiers à profiter de l’engouement pour le peer-to-peer — devraient certes reverser une part de la musique téléchargée. Mais en attendant, l’attrait suscité par le couple iPod et l’iTunes Music Store prouve que les internautes sont prêt à payer une somme raisonnable pour des œuvres de qualité. Le CD est peut-être menacé — le vinyle l’a été quinze ans plus tôt — mais certainement pas la musique !

Daniel Ichbiah