chronique SVM Mac de janvier 2005

Big Brother est dans le caddy !

 

L’informatique a ce don bien agaçant de « reprendre d’une main ce qu’elle donne de l’autre. » Les bienfaits qu’elle apporte sont perpétuellement accompagnés de nuisances plus ou moins importantes. L’E-mail a favorisé le contact à distance mais a multiplié le spam, ces messages publicitaires qui inondent des millions de boîtes aux lettres. Le Web facilite la consultation d’informations en tous genre mais permet à des sociétés de marketing ou autre d’espionner le comportement de l’internaute à son insu. Généralement, dans cet univers informatique qui court plus vite que son ombre, le remède est hâtivement conçu après que l’on ait constaté les dégâts.

À présent, le nouveau bienfaiteur/malfaiteur s’appelle les RFID. Abréviation de Radio Frequency IDentification (identification par radio-fréquence), il désigne une sorte de super code barre électronique capable de stocker 80 milliards de milliards de milliards de bits (!). De quoi identifier chaque article vendu en magasin d’une façon ultra précise : ainsi chaque plaquette de chocolat pourrait être répertoriée selon sa marque, sa famille (noir, 80%), ses caractéristiques (lieu et date de production,  date de péremption éventuelle), et même un numéro absolument unique. Le tout vient se loger dans une puce de la taille d’un grain de sable. Couplé à une minuscule antenne, cette puce peut émettre un signal dans un périmètre allant jusqu’à 10 mètres.

Donnons d’abord la parole à la défense et de fait, les arguments ne manquent pas. Dès à présent, c’est ce type de puce qui protège les véhicules récents, le code inclus dans la clé devant correspondre à celui du contact si l’on veut que l’automobile démarre. Mais bien évidemment, ce sont les capacité de lecture à distance des RFID qui paraissent le plus séduisantes, au niveau des industriels. Pour la grande distribution, s’ouvre la perspective de répertorier les articles avec précision, d’une manière automatique : plus besoin d’ouvrir les caisses pour connaître leur contenu, capacité à connaître en temps réel l’état des stocks et à réapprovisionner... Au niveau du consommateur, se profile la fin des files d’attentes aux caisses suivies du pénible placement des éléments du caddy sur le tapis roulant pour les y replacer par la suite : un passage au portique et la facture est prête ! De ce fait, des géants de la grande distribution à la Wal-Mart, Tesco ou Metro ont décidé d’adopter lesdites puces.

Là où ça se gâte, c’est que de telles puces, assorties d’autres technologies biométriques (identification du visage, des empreintes digitales, etc.) pourraient devenir de sacré cafteuses. Tandis que l’on passe le portique du supermarché, une analyse intelligente du consommateur par les puces de ses vêtements (veste, chaussures…) pourrait amener à en déduire un profil et imprimer sur le ticket des « offres de promotion personnalisées ». Jusque là, c’est plutôt pénible mais encore bénin. En revanche, il serait possible d’ici une vingtaine d’années d’imaginer un véhicule mobile disposant un radar ultra-puissant et qui analyserait d’un simple balayage de son rayon le niveau de vie du foyer, ses habitudes de consommation, et pourquoi pas, ses lectures… Dans le « meilleur » des cas, une telle analyse servirait là encore à des fins marketing. Dans le pire, à une potentielle surveillance du citoyen à partir de ses possessions. À tel point que nous verrons peut-être des enseignes proposer demain des produits « certifiés sans RFID » tout comme certaines se vantent aujourd’hui d’œufs de poules élevées en plein air ou de dentifrices non testés sur les animaux.

Il s’avère que les RFID intéressent d’autres secteurs que la grande distribution. Des entreprises envisagent d’en doter leur personnel ou les visiteurs afin de pouvoir suivre leurs déplacements à la trace. Et certains gouvernements aimeraient même les intégrer dans les cartes d’identités et passeports futurs. Or, selon la société française Inside Contactless, spécialiste du domaine, la Chine, la Malaisie ou Singapour figureraient parmi les gros demandeurs de ces pièces d’identité décodables à distance. Faut-il vous faire un dessin ?